Il fut un temps où l’avenir était synonyme de promesses. Une époque pas si lointaine où l’on pensait que chaque génération vivrait mieux que la précédente. Mais pour beaucoup de jeunes aujourd’hui, cette idée paraît presque irréaliste. Le monde dans lequel ils grandissent est en pleine mutation : changements climatiques accélérés, effondrement de la biodiversité, catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, incertitudes économiques, tensions géopolitiques… À cette réalité complexe s’ajoute un mal diffus, de plus en plus palpable : l’éco-anxiété.
Chez les adolescents et les jeunes adultes, ce terme résonne de manière particulièrement intime. L’éco-anxiété, c’est ce sentiment de peur, d’impuissance et parfois même de colère face à un avenir que l’on pressent instable, voire dangereux. Ce n’est pas une peur abstraite : elle est nourrie au quotidien par les médias, les réseaux sociaux, les documentaires, les conversations en classe ou entre amis. Les jeunes sont souvent bien informés — parfois trop. Ils connaissent les chiffres, les scénarios, les échéances. Et ce savoir ne les rassure pas. Il les alerte, les inquiète, les hante.
Cette anxiété n’est pas un phénomène isolé. Selon plusieurs enquêtes internationales, une majorité de jeunes de moins de 25 ans déclarent ressentir une détresse émotionnelle liée à la crise climatique. Beaucoup expriment une perte de confiance dans les institutions, un sentiment d’abandon ou d’injustice. Pourquoi faire des études, bâtir une carrière, envisager d’avoir des enfants, si le monde de demain s’annonce invivable ? Ces questions, qui paraissent extrêmes à certains adultes, sont pourtant devenues courantes dans la bouche de lycéens ou d’étudiants.
Il serait injuste de voir dans ces émotions un caprice de jeunesse. Bien au contraire. L’éco-anxiété est une réaction lucide à une situation critique. Elle témoigne d’une sensibilité à la fois personnelle et collective, d’un lien profond au vivant, d’un désir d’agir. Beaucoup de jeunes ne se contentent pas d’angoisser : ils s’engagent, manifestent, créent des projets, militent, changent leurs modes de vie. Mais cet engagement peut aussi être épuisant. Certains sombrent dans le burn-out militant, d’autres dans une forme de paralysie ou de repli sur soi. Sans accompagnement, la charge mentale devient lourde à porter.
Le rôle des adultes — parents, enseignants, décideurs, thérapeutes — est alors crucial. Non pas pour minimiser les peurs ou imposer un discours rassurant à tout prix, mais pour ouvrir des espaces d’écoute, de dialogue et d’action. Il s’agit d’aider les jeunes à traverser ces émotions sans les nier, à transformer leur anxiété en lucidité constructive, en force créatrice, en résilience. Cela passe par une reconnaissance claire de la situation écologique, mais aussi par la valorisation des initiatives, des solidarités, des résistances qui émergent partout dans le monde.
L’école, notamment, a un rôle fondamental à jouer. Pas seulement en transmettant des connaissances scientifiques sur le climat, mais en développant une éducation à l’émotion, à l’écologie, à la coopération. En encourageant la réflexion, l’expression, la créativité. En redonnant du pouvoir d’agir aux élèves, même à petite échelle.
Grandir dans un monde en crise n’est pas un destin tragique. C’est un défi. Une invitation à inventer de nouvelles manières d’habiter la Terre, de se relier aux autres, de rêver malgré tout. Pour cela, les jeunes générations ont besoin d’outils, de récits, de modèles, mais aussi de tendresse, de solidarité, de temps pour respirer. L’éco-anxiété, si elle est reconnue et accompagnée, peut devenir un moteur puissant pour construire un avenir plus conscient, plus juste, plus vivant.